Ce roman parle de personnes ordinaires plongées brutalement dans un univers d’injustice, de violence, de mort, monde auquel elles ne sont pas préparées. Arrive-t-on alors vraiment à oublier le passé ? À l’effacer de sa mémoire ? Vous poursuit-il toujours, au point de vous interdire pendant des années, une vie normale, d’avoir, ne serait-ce que quelques instants, l’âme en paix ? Surtout si, par surcroît, on culpabilise sur son propre comportement lors des évènements vécus durant ces moments-là. Dans cette fiction dramatique viennent s’inscrire des mythes, des légendes et des moments d’Histoire. Ce roman demeure avant tout un hymne à l’amour rédempteur.
Quand Séléné, vingt-six ans, à la sortie d’une liaison sentimentale malsaine, ne désirant surtout pas en nouer une nouvelle de sitôt, rencontre Vincent, elle refuse d’accepter l’attirance qu’elle ressent pour le jeune homme.
Quant à Vincent, trente ans, poursuivi depuis son adolescence par de sombres pensées, il ne sourit plus, ne rit plus, ne pleure plus. Homme au visage éternellement figé, lorsqu’il croise Séléné, se réveille en lui un sentiment inattendu, oublié depuis de nombreuses années, l’amour.
Séléné et Vincent vont s’aimer, d’une passion puissante qui les surprendra eux-mêmes. Mais si Séléné lui confie rapidement ses déboires sentimentaux, Vincent va commencer à culpabiliser, à se laisser gagner par les démons de son passé. Cela amènera le couple à une rupture définitive.
Ceux que tous appellent la Famille de Vincent, le Clan, dont font désormais partie les parents de Séléné, arriveront-ils, réussiront-ils à les sauver de leur naufrage ?
Dans ce roman quelques notes de bas de page permettent de compléter les descriptions des lieux ou des moments d’Histoire.
De la même manière, la majorité des notes de bas de page expliquent, afin de les comprendre, les traductions, et les origines quand elles sont connues, des mots et expressions des divers parlers de ce roman. En effet, les personnages de ce roman utilisent, entre autres, le parler lyonnais et le pataouète.
EXTRAIT 1
Quel âge pouvait-elle avoir ? Dix, onze ans ? Il n’en fut pas troublé, mais il s’interrogea. Lui, il en avait quatorze. Pouvait-il réellement perturber une si jeune enfant ? Elle restait silencieuse ; pas même un murmure. Sa chevelure, bouclée et d’un noir profond, lui conférait une grâce naturelle, qui contrastait et sublimait la blancheur presque laiteuse de sa peau. Puis son visage s’éclaira d’un large sourire ; il en fut bouleversé, pris au dépourvu. Il aurait bien voulu répondre à ce sourire enfantin, mais il en fut incapable. Une angoisse montait en lui, sourde, envahissante. Elle continuait de sourire, ses yeux bleus illuminaient son visage. Pourtant, elle semblait percevoir la détresse de ce garçon. Elle amplifia son sourire, comme pour le rassurer. Il aurait souhaité lui dire quelques mots, mais un nœud dans sa gorge le paralysait ; il se retrouva dans l’impossibilité de parler. Il sentit la peur s’emparer de lui, une peur irrationnelle et oppressante. Il ignorait si elle s’en apercevait. Soudain, moment imprévisible, presque inconcevable. Deux colombes se posèrent sur le parapet, tout près, entre eux, à portée de leurs mains.
EXTRAIT 2
Finalement, nous étions plus courageux, plus motivés ; nos assaillants déguerpirent. Je m’approchai de Vincent. « ─ Je voulais te remercier. ─ Ce n’est rien. C’est normal, ils étaient deux contre toi. » Je demeurai indécis un instant, puis, rassemblant mon courage, je me lançai. « ─ J’aimerais bien devenir ton ami. » Il me fixa longuement, immobile. Pas un muscle de son visage ne bougea. Vous voyez ? Il possédait, à l’époque, le comportement que vous lui connaissez aujourd’hui. Sans un sourire, il me tendit sa main droite et me répondit : « ─ Tu l’es déjà ».
EXTRAIT 3
Je lui fais vraiment peur. Je la terrorise. Elle ne ressent aucune sympathie envers moi. Elle ne m’apprécie guère. Toi, quand tu te rases le matin, quand tu redécouvres chaque jour ton visage, ton image dans le miroir t’inspire l’horreur. Alors, si tu ne t’aimes pas, pourquoi voudrais-tu qu’une femme puisse t’aimer ? Dans un sens, il vaut mieux qu’il en soit ainsi ; car, avec moi, malgré tout l’amour du monde, elle aurait fini par souffrir. Oui, Damien, oui, Rosette, j’ai compris votre jeu, vos espoirs. Hélas, ils ne se réaliseront pas. Aujourd’hui, mes amis, je ne serai pas un rabat-joie. Et, si je dois adresser la parole à Séléné, j’emploierai ma voix la plus douce, les propos les plus agréables, sans porter mes yeux sur elle. Cette journée doit demeurer calme. Mes amis, dès ce soir, je ne veux plus revoir, plus entendre parler de Séléné. J’endurerai certes… Au fond, j’en ai l’habitude.
EXTRAIT 4
Se tenant toujours par la main, ils traversèrent la Presqu’île, puis franchirent le Rhône par le pont Wilson. De la rue Servient, ils rejoignirent la rue Garibaldi et revinrent vers le cours Gambetta. Côte à côte, l’un contre l’autre, ils marchaient en silence. Les mots devenaient inutiles. Dans leurs esprits, plus de doute maintenant. Ils avaient pleinement conscience de ce qui les attendait, de ce qu’ils feront, là où ils se rendaient. Si au début, ils avaient conservé le pas de leur promenade matinale, progressivement, sans même se consulter, ils accélérèrent leur allure.
EXTRAIT 5
Seule, la Princesse s’adressa à lui: ─ Marcus Amokrane, tu dis fuir la violence. Or là, tu acceptes l’effusion de sang. Je ne te comprends pas. ─ Ô, Princesse… ─ Tin-Hinan. ─Ô, Princesse Tin-Hinan, je suis un soldat. En effet, je suis las de donner la mort, de la voir frapper mes amis. Pour cette simple raison, je me suis converti à cette religion qui est désormais la mienne. Pour la même raison, avec cinq de mes légionnaires, croyants de cette foi, nous avons décidé de protéger nos pauvres gens. Ils n’ont rien fait de mal, si ce n’est être plébéiens. Était-ce un motif pour les condamner à mort ? Non !
EXTRAIT 6
─ Aussitôt, le tumulte, des cris, des invectives, des vociférations violentes, menaçantes, suivis de hurlements de peur, de frayeur, de terreur. Je ne saisissais pas les paroles. Toutefois, je compris. Nos familles, là-haut, subissaient une agression. Je n’osais plus bouger. Je ne pensais qu’à une chose, pourvu qu’ils ne me découvrent pas.Au vacarme, aux clameurs, aux appels au secours, je ne me faisais plus d’illusion ; en aucun cas, je ne les reverrai vivants. Je me mis à trembler, à grelotter comme si j’avais froid.
Rosette frissonna. Damien lui prit la main.
─ Brusquement, j’aperçus Vincent. Il remontait vers la route, courbé, ses mains prenant appui sur ses cuisses afin de gravir la dune le plus rapidement possible. Quand il me vit, il se dirigea aussitôt vers moi. Lorsqu’il arriva à ma hauteur, je l’attirai, le plaquant au sol, en lui soufflant à l’oreille : « ─ Silence ! Nous ne pouvons rien faire ! Silence, ou nous sommes perdus ! »
EXTRAIT 7
─ Tu vois, ma fille, si tu condamnes Vincent aujourd’hui, c’est comme si tu condamnais l’homme que j’étais il y a plus de trente ans. Il m’arrive encore de faire des cauchemars la nuit. Ta mère, Claire, demeure à mes côtés. Chaque fois, elle me calme, me réconforte, m’apaise. Oui Séléné, aujourd’hui, je me confie publiquement. Je le fais pour Vincent, car je possède envers lui, pour ce qu’il est, un grand attachement. Il n’est en rien responsable de ces actes. Qui, dans les circonstances, les drames qu’il a traversés, pourrait assurer demeurer calme et serein ? D’ailleurs, il le reconnaît, il n’était plus conscient, il avait disjoncté. Et le remords qui le torture depuis des années plaide pour le pardon.
POÊMES ET CHANTS DANS CE ROMAN
Faisons foi
Toi, Et moi. Doux émoi, Fin désarroi. Nus sous cet orfroi, N’avons aucun effroi. C’est bel et bien un tournoi, Digne d’un haut et noble roi. Plaisirs clandestins dans ce charroi Ballottés par le gracieux palefroi, Jusqu’à nous, des pavés, retentit son froi. Tous les cahots sont délices, de bon emploi. Ces voluptés fortes, si fortes, qu’au grand beffroi, Facilement je pourrai, gravir la rude paroi, Bercés, dodelinés, branlés dans ce délicieux convoi, Nos caresses câlines, sucrées, le suivent en bon arroi. Notre amour, mon enchanteur, mon âme, est de si bon aloi, Que pour toujours, mon doux, mon bon prince, de tout cœur, j’en veux le renvoi. À jamais, en ce lieu, en cet endroit, je te le jure, sur notre loi. Car pour moi, vois-tu mon amour, ma passion, ma vie, tu es le plus bel octroi. Et dans l’éternité, à l’infini, je crie, je clame, je rugis cet envoi.
Cauchemar
De ses yeux clos glisse une larme, Mon cœur bat, s’affole et s’alarme. Sa bouche crispée sous son front plissé, Ses bras repliés, sonregardangoissé, Confirment le cri qui m’a alerté
Repose, mon amour, Dans mes bras, mon amour, Demain, il fera jour, Demain est notre jour.
Le maudit cauchemar, dans ses confins, Je le sens bien arriver à ses fins. Il la poursuit, la plongedans ses peurs, La pourchasse de terribles fureurs. Je la soulève, la prends contre moi, Et doucement la sors de cet effroi.
Repose, mon amour, Dans mes bras, mon amour, Demain, il fera jour, Demain est notre jour.
Je vois la sueur de son corps mouillé, Plaquer sur elle son déshabillé. Elle en devient plus désirable, Mais il me faut rester raisonnable. Ses épouvantes doivent s’effacer, Par de petits chants, je vais la bercer.
Repose, mon amour, Dans mes bras, mon amour, Demain, il fera jour, Demain est notre jour.
Si mes complaintes ne l’éveillent pas, Je sais qu’elle me garde ses appas. Alors, peut-être, qu’au petit matin, À son réveil, je deviendrai lutin. En attendant, repose mon amour, Près de moi, dans le calme, jusqu’au jour.
Repose, mon amour, Dans mes bras, mon amour, Demain, il fera jour, Demain est notre jour.
La course
À l’abri dans la forêt, Tout juste après l’arrêt, Les oiseaux sur les branches, Enchantent les vies franches. Et la mère aux beaux yeux, Couve d’un regard soyeux, Ses petits, sages et doux. Ils sont bien de son époux. De grands cris retentissent, Les jeunes se blottissent. Passé l’instant de stupeur, Maintenant, elle a peur. Il lui faut vite fuir, Ne penser qu’à s’enfuir. Sauver ses braves enfants, S’éloigner des olifants. Or, les appels approchent, Et des pierres ricochent. Un signe à son aînée : « Je vais par cette menée. Prends les petits, ma grande, Pars par là, vers la lande. » La famille s’éloigne, L’inquiétude l’empoigne. Et des clameurs éclatent, Puis les pisteurs se hâtent. Elle finit par les voir, Les autres de l’entrevoir. Elle se fait découvrir, Attends, se met à courir. Des siens, fuit à l’opposé, Sur son chemin imposé. Des chiens crient, jappent, hurlent, Quand les hommes rugissent. Une course effrénée, Effrayante randonnée, L’entraîne dans les sous-bois. Elle se sent aux abois. Le temps est contre elle, Et sa sueur ruisselle. Les durs mâtins sont tout près, Puis les gens juste après. Le souffle, là, dans son dos, Lui annonce le chaos. La colère l’enrage, L’angoisse l’encourage, Lui redonne la force. Elle appuie, s’efforce. Un chien la mord au jarret, La tient, la met à l’arrêt. Elle chute, se traîne, Sent arriver la haine Partout les chiens la blessent, La couchent, la renversent. Elle tremble, épouvantée. Elle est ensanglantée. Et des hommes arrivent, Des yeux, ils la captivent. Elle est terrorisée. Elle est tétanisée. Là, gisante sur le côté, Elle n’est pas sans beauté. Son cœur bat tout affolé. Son regard est désolé. Au plus profond des forêts, Les oiseaux restent muets. Total est le silence, L’instant, plein d’innocence. Vers elle, vient un humain, Un long couteau à la main. La biche voit le chasseur, La biche voit son tueur.
Tu es toute ma vie
Tu es toute ma vie Mon seul oxygène. Sans toi ma pauvre vie Serait bien en peine. Ma pauvre vie sans toi Ça je n’y pense pas. Je serais en effroi Si tu n’étais plus là.
Y’a à peine cent jours, Je ne te voulais pas. Voilà déjà cent jours, Et je n’en reviens pas. Ô mon tendre amour, Je ne t’attendais pas. De ton tendre amour, Je ne me lasse pas.
Tu es toute ma vie Mon seul oxygène. Sans toi ma pauvre vie Serait bien en peine. Ma pauvre vie sans toi Ça je n’y pense pas. Je serais en effroi Si tu n’étais plus là.
Je suis allée à toi Simplement sans savoir. Tu es venu à moi Sans vraiment rien prévoir. Et notre désarroi Nous laissa entrevoir, Dans un puissant émoi, Notre douillet nichoir.
Tu es toute ma vie Mon seul oxygène. Sans toi ma pauvre vie Serait bien en peine. Ma pauvre vie sans toi Ça je n’y pense pas. Je serais en effroi Si tu n’étais plus là.
Tes démons revenus, Refusant de lutter, Laissant là ta tribu, Et sans te révolter Partir à tout jamais. Ne m’abandonne pas Puis vivre désormais Sans toi, je ne peux pas.
Tu es toute ma vie Mon seul oxygène. Sans toi ma pauvre vie Serait bien en peine. Ma pauvre vie sans toi Ça je n’y pense pas. Je serais en effroi Si tu n’étais plus là.